« Rappeler à cette jeunesse africaine que le visage du succès peut aussi être le sien »
Éliakim est de ceux dont l’étoile appartient à la constellation de l’élite mondiale du futur qui emplit le cœur d’espoir. Et il porte bien son prénom : celui que Dieu a établi. Brillant étudiant aux réalisations remarquables, il s’est installé à Paris où il poursuit, à Sciences Po, des études de prestige financées par la bourse d’excellence de la Fondation Mastercard.
Comme l’ont fait avant lui d’autres étudiants brillants : Louise Toutée et Venus Aves, Éliakim s’est un peu fait connaître. Portrait, pour LeBoursier, d’un génie atypique.
Parcours académique et engagement social : Du Collège VOGT à Sciences Po Paris
Bonjour, Éliakim. Je suis très ravi d’avoir cet entretien avec toi. Cela fait un certain temps que je te suis, et pour moi, tu es plutôt à surveiller. Mais dis-moi, qui est Éliakim EBINE ?
C’est un plaisir, Maurice. Bravo et merci pour ton initiative de rendre ce type d’informations accessible à tout le monde. C’est parce qu’il y a aussi des personnes comme toi qu’on ne se sent pas seul ni fou sur ce chemin.
Pour la présentation, je suis un jeune homme camerounais, étudiant en Master de Politiques Publiques. Je suis très passionné par les questions liées à l’éducation, la géopolitique, l’histoire, le développement et la société.
Chez toi, tu étais déjà excellent. Peux-tu brièvement m’en dire plus sur ta scolarité au Cameroun ?
Je suis fils de deux enseignants. Mes parents m’ont inculqué très tôt l’importance de l’excellence académique. Mon parcours scolaire a été atypique, débutant dans une école publique et se terminant au Collège François-Xavier Vogt, un établissement privé. À chaque étape, j’ai relevé des défis pour devenir une meilleure version de moi-même, guidé par la conviction que l’éducation est la clé du succès, surtout pour ceux issus de milieux modestes.
Justement, tu y as décroché ton baccalauréat en étant Major de promotion et devenant dans la foulée lauréat de la Mastercard Foundation Scholars Program. Quelle est cette bourse d’excellence ? Court-elle toujours ?
J’ai toujours été reconnaissant envers mes parents pour leurs efforts dans mes études. Et devenir le meilleur était la plus belle récompense à leurs sacrifices. J’ai ainsi été major de promotion au baccalauréat en Lettres et Philosophie. Ensuite, grâce à la bourse de la Fondation Mastercard, dont je suis lauréat depuis 2020, j’ai pu poursuivre mes études à Sciences Po. Le programme de bourses de la Fondation Mastercard continue certes d’offrir un soutien financier à Sciences Po, mais désormais uniquement pour le niveau master.
Quel en est le processus de candidature et comment mettre toutes les chances de son côté ?
Tu sais, le processus de candidature au programme de bourses de la Fondation Mastercard diffère d’une université partenaire à une autre, d’une région à une autre. Par exemple, dans les universités partenaires à la Fondation Mastercard en Afrique, il est possible de devenir lauréat dès le bachelor. Contrairement aux universités partenaires en Europe, où le programme est uniquement ouvert au niveau master.
Ensuite pour le cas spécifique de Sciences Po, les candidatures se font simultanément à l’école et au programme de bourses via deux différents sites dédiés. Les candidats éligibles au programme de bourses obtiennent donc une exonération des frais d’inscription au concours de Sciences Po. Pour les étudiants admis à Sciences Po, leurs dossiers sont traités soigneusement devant un jury afin de sélectionner les plus méritants, sur la base de la situation socio-économique et du parcours de chaque candidat.
Pour se démarquer dans la course à cette bourse, c’est simple : il faut d’abord avoir un parcours académique exemplaire. Ensuite, la Fondation Mastercard recherche des candidats dynamiques et socialement engagés, prêts à devenir des acteurs du changement en Afrique.
Une candidature réussie doit être complète, mettant en lumière les réalisations passées et les aspirations futures. Cela implique de répondre avec soin aux questions du formulaire, de fournir des lettres de recommandation convaincantes et de démontrer clairement le potentiel à impacter positivement le continent africain.
Intéressant ! À ton avis, qu’est-ce qui a été décisif dans ta sélection ? Et en quoi la bourse a-t-elle influencé ton parcours académique et personnel jusqu’à présent ?
Je pense que ma sélection a été influencée par ma sincérité, ma sensibilité aux enjeux contemporains et mon engagement à être un acteur du changement dans ma communauté.
En ce qui concerne l’impact de la bourse de la Fondation Mastercard sur mon parcours, les divers soutiens offerts par le programme, tels que l’accompagnement académique et l’engagement dans des projets à impact, m’ont permis de m’épanouir pleinement dans mes études et mes projets tout en nourrissant mon enthousiasme pour l’avenir de l’Afrique.
En parlant de soutien, comment s’est passée ton intégration à la vie en France et à Sciences Po ?
Au début, elle a été difficile en raison du confinement. Cependant, la communauté des boursiers de la Fondation Mastercard et les programmes d’intégration des associations étudiantes de Sciences Po m’ont été d’une grande aide.
Après un Bachelor en Sciences humaines, tu fais maintenant un Master en Public policy. Pourquoi ce choix ? En quoi consiste ton programme d’études en Politiques publiques à Sciences Po Paris ?
Après mon Bachelor, spécialisé en géographie de l’Afrique à Sciences Po, j’ai choisi de poursuivre un Master en Politiques Publiques. Ce choix découle de ma volonté de comprendre les défis mondiaux et de contribuer à l’amélioration des conditions de vie sur le continent africain.
Le programme de Politiques Publiques à Sciences Po offre une excellente préparation pour des carrières dans le secteur public, les organisations internationales et le secteur privé, en mettant l’accent sur les processus politiques et les institutions à l’échelle mondiale, avec une focalisation particulière sur le processus de décision publique et l’analyse et l’implémentation d’une politique publique donnée.
Quels en sont les domaines spécifiques qui t’intéressent le plus, et pourquoi ? Comment penses-tu que cela t’aidera à atteindre tes objectifs professionnels et personnels ?
Je suis particulièrement intéressé par plusieurs domaines, notamment l’économie politique, les tendances sociales en Afrique, la communication politique, l’élaboration des politiques et les méthodes quantitatives avancées ou encore plus globalement les enjeux liées à la diplomatie.
Ces domaines sont en droite ligne avec mes études actuelles et complémentaires à mon engagement associatif, notamment à l’Association de Sciences Po pour l’Afrique où je suis membre du pôle journalisme. Je crois qu’ils me prépareront efficacement à ma future carrière professionnelle tout en répondant à mes intérêts personnels.
Tu es très impliqué dans l’activisme social, en particulier en tant que membre de « Trouve Ta Voie Afriki », des Restos du Cœur, du ‘Youth Summit Delegate’ de la World Bank Group, et du Scholars Council Representative de la Fondation Mastercard. Qu’est-ce qui t’a poussé à t’engager dans ces causes aux champs divers ?
Je pense que ma motivation principale réside dans ma soif de justice. Je ne prétends pas avoir toutes les réponses, mais je crois fermement en la capacité de chacun à avoir un impact, même à son niveau individuel.
Cette motivation a-t-elle été nourrie par des réalisations satisfaisantes ?
Une de mes réalisations les plus satisfaisantes a été l’organisation de la Summer School 2022 de Trouve Ta Voie Afriki. Cette initiative a permis d’impacter positivement une cinquantaine de jeunes Camerounais en les informant sur les processus de candidature universitaire, les aides financières et les techniques pour réussir les concours.
À ce jour, que retiens-tu de ton engagement ?
Mes expériences m’ont appris que même dans un monde où tout semble aller mal, les résultats de nos efforts peuvent être encourageants. Mon approche de l’activisme social et de la résolution de problèmes mondiaux se concentre sur l’inspiration des jeunes marginalisés à croire en leur propre potentiel de succès, en les encourageant à essayer et à persévérer. L’essentiel est de rappeler à cette jeunesse africaine que le visage du succès peut aussi être le sien.
Éliakim, je suis boursier Eiffel, et je sais qu’il peut être difficile de tenir les rangs de l’excellence et d’investir son énergie ailleurs. Quelle est ta recette pour équilibrer ton engagement social avec tes études universitaires ?
Pour moi, l’équilibre entre mon engagement social et mes études universitaires est naturel, car je suis passionné par ce que je fais. Lorsqu’on est investi dans ce qui nous tient à cœur, trouver cet équilibre devient instinctif.
Vision et aspirations
En tant que ‘Scholars Council Representative’ de la Fondation Mastercard, quelles initiatives ou projets souhaiterais-tu promouvoir pour renforcer l’accès à l’éducation et l’emploi en Afrique ?
En tant que représentant du Conseil des boursiers de la Fondation Mastercard à Sciences Po, mon objectif principal est de renforcer la communauté des jeunes engagés et prêts à agir à différents niveaux.
Je souhaite notamment rassurer les jeunes Africains sur leurs compétences et capacités à saisir les opportunités qui leur sont offertes. Pour cela, je compte mettre en place une stratégie de communication en collaboration avec mes pairs afin de sensibiliser les jeunes à ces opportunités.
Plusieurs projets ont déjà débuté, notamment des séries de conférences et de séminaires sur le programme de bourses de la Fondation Mastercard, organisés par les différentes communautés de boursiers à travers le monde. Mon objectif est de poursuivre et d’élargir ces initiatives pour permettre à un plus grand nombre de jeunes Africains de bénéficier de ces opportunités d’éducation et d’emploi.
Quels sont tes objectifs à long terme en termes de carrière professionnelle et d’impact social ? Comment envisages-tu réinvestir tes études en Politiques publiques pour contribuer au développement de ta communauté ?
À long terme, mes objectifs de carrière professionnelle incluent de devenir un acteur influent dans les politiques publiques à l’échelle continentale, en travaillant avec les institutions locales, régionales et internationales.
J’ai constaté la lenteur des processus au sein des services publics et la sous-représentation de certaines populations dans les prises de décision. C’est pourquoi je souhaite faire partie de cette nouvelle dynamique d’acteurs afin de faciliter la mise en œuvre de solutions concrètes et efficaces pour le développement en Afrique.
En réinvestissant mes études en Politiques publiques, je compte acquérir les compétences et les connaissances nécessaires pour contribuer de manière significative au développement de ma communauté. J’ai conscience des défis de l’écosystème professionnel africain, toutefois, je souhaite notamment promouvoir des politiques inclusives, innovantes et orientées vers l’action, afin de répondre aux besoins et aux défis spécifiques de ma communauté et du continent africain dans son ensemble.
Comment vois-tu le rôle des institutions éducatives et des organisations internationales dans la promotion de l’accès à une éducation de qualité pour les jeunes africains, en particulier ceux issus de milieux défavorisés ?
Je crois fermement que les institutions éducatives et les organisations internationales ont un rôle crucial à jouer dans la promotion de l’accès à une éducation de qualité pour les jeunes Africains, en particulier ceux issus de milieux défavorisés.
Ces institutions peuvent fournir un soutien financier, technique et logistique pour améliorer les infrastructures éducatives, former les enseignants et développer des programmes éducatifs adaptés aux besoins locaux.
De plus, elles peuvent contribuer à sensibiliser les gouvernements et les décideurs politiques à l’importance de l’éducation pour le développement socio-économique et la réduction des inégalités.
Cependant, je crois que la responsabilité première revient aux services publics et gouvernementaux de chaque pays en Afrique. Ils doivent prendre des mesures concrètes pour garantir un accès équitable à une éducation de qualité pour tous les jeunes, en mettant en place des politiques éducatives inclusives et en investissant dans les ressources nécessaires pour soutenir les élèves issus de milieux défavorisés.
Quels conseils donnerais-tu aux organisations et aux gouvernements pour améliorer les opportunités d’éducation et d’emploi pour les jeunes en Afrique ?
Je leur recommande de mettre en place des solutions contraignantes et mesurables, afin d’assurer des politiques et des programmes efficaces et tangibles. Il est essentiel d’adopter des actions cohérentes avec les objectifs déclarés, en alignant les ressources et les efforts sur la réalisation de ces objectifs, pour garantir des résultats concrets.
Il est également primordial de faire confiance aux acteurs locaux : les communautés et les organisations de la société civile, en les impliquant activement dans la conception et la mise en œuvre des programmes.
Leur connaissance approfondie des réalités locales leur permettra d’apporter des solutions adaptées et durables aux défis rencontrés par les jeunes en matière d’éducation et d’emploi. En adoptant ces approches, les organisations et les gouvernements peuvent contribuer de manière significative à favoriser un développement inclusif et durable en Afrique.
En tant que jeune leader africain, Éliakim, quel message souhaiterais-tu transmettre aux autres jeunes qui aspirent à suivre tes traces et à faire une différence dans leur communauté ?
Ce sera un message d’encouragement et d’inspiration. Je tiens à souligner l’importance de s’inspirer des autres, mais aussi de se créer sa propre voie.
Il est impérieux de reconnaître que chaque parcours est unique et qu’il est crucial de suivre ses propres aspirations et opportunités. Ensuite, je voudrais dire à tous les jeunes de croire en leur potentiel et en leurs compétences, et de ne pas se laisser décourager par les critiques ou les échecs.
Personnellement, j’ai rencontré des obstacles et des revers, mais j’ai toujours trouvé la force de me relever. Enfin, je veux rappeler que l’échec n’est pas une fatalité, mais une opportunité d’apprentissage et de croissance. Ce qui compte vraiment, c’est de se relever après chaque chute, avec détermination et résilience.
Quels conseils donnerais-tu aux étudiants africains qui souhaitent poursuivre des études supérieures à l’étranger, notamment dans un parcours d’excellence ?
Il faut qu’ils croient en eux-mêmes et en leurs capacités. Peu importe leur origine, ce qui compte vraiment, c’est leur détermination à atteindre leurs objectifs. Je leur recommanderai également de s’efforcer d’exceller dans ce qu’ils entreprennent, en se concentrant sur leurs études et en recherchant des opportunités d’apprentissage et de développement personnel. Enfin, je leur conseillerai de rester authentiques et fidèles à eux-mêmes, en mettant en avant leurs propres forces et talents.
Inspirations
Quelles sont tes passions et tes hobbies en dehors de tes études et de ton engagement social ?
En dehors de mes études et de mon engagement social, je suis passionné par la lecture, la musique et l’actualité liée à l’écologie à travers le monde. Ces activités me permettent de m’évader et de me détendre tout en restant connecté avec le monde qui m’entoure.
Quel livre ou quelle citation t’inspire particulièrement ?
Le livre qui m’inspire actuellement est « Réparer les femmes : un combat contre la barbarie » de Guy Bernard Cardière et Denis Mukwege. Ce livre raconte l’histoire remarquable du Dr. Denis Mukwege, un gynécologue congolais, et son combat courageux pour soigner les femmes victimes de violences sexuelles dans l’est de la République Démocratique du Congo.
Ce récit poignant met en lumière les défis auxquels il fait face, ainsi que son engagement inébranlable envers la justice sociale et les droits des femmes. Ce livre m’inspire énormément à travers son témoignage de résilience et d’espoir, et rappelle l’importance de la lutte contre les atrocités et les injustices.
As-tu des role models ? Quelles sont les personnes et personnalités qui t’inspirent le plus ?
Mes modèles sont variés et chacun m’inspire à sa manière. Barack Obama incarne le leadership, l’intégrité et la capacité à inspirer le changement positif à l’échelle mondiale. Chinua Achebe, avec ses écrits emblématiques, a donné une voix puissante à la littérature africaine et a éclairé les réalités et les défis du continent.
Patrice Talon, en tant que leader politique, représente pour moi l’innovation, la détermination et le leadership dans la gestion des affaires publiques. Ces figures m’inspirent à poursuivre mes propres aspirations et à contribuer positivement au monde qui m’entoure.
***
Nous sommes à la fin de ce bel entretien. Merci Éliakim pour ton temps et tes réponses inspirantes. Je suis convaincu que ton histoire émulera de nombreux lecteurs à travers le monde. Je te souhaite beaucoup de succès dans la poursuite de tes études et de tes ambitions. Au plaisir de t’avoir à nouveau sur LeBoursier.
Merci, Maurice. Bon courage à toi aussi, à la prochaine.
1 réflexion sur “Du Collège Vogt à Sciences Po Paris : Le cas Ébine”
Merci pour cet article ! Très riche…